Fracture numérique à Colmar & Alsace
Comme vous le savez, Colmar Tech s’efforce à réduire la fracture numérique à travers des formations en Alsace et dans la ville de Colmar. Censée faciliter l’accès aux droits et aux démarches, la dématérialisation tend à renforcer les inégalités.
Le numérique peut-il participer à la lutte contre les exclusions? C’est en tout cas l’un des leviers sur lesquels avait misé le plan pluriannuel de lutte contre pauvreté et pour l’inclusion sociale lancé par François Hollande en 2013. S’il n’existe pas d’évaluation globale des mesures— comme l’usage des nouveaux coffre-fort numériques pour documents personnels, ou du simulateur de droits en ligne—, il apparaît que les administrations sont de plus en plus nombreuses à dématérialiser leurs démarches.
C’est-à-dire à offrir la possibilité de les effectuer en ligne, et non plus au guichet. Donc plus rapidement, 24 h sur 24. La prime d’activité, qui soutient plus de cinq millions de travailleurs modestes, se présente même, et c’est une première, comme une démarche 100% dématérialisée.
L’une des idées de cette simplification, c’est quelle pourrait réduire l’exclusion, et notamment ce qu’on appelle le non-recours aux droits. C’est-à-dire le fait que de nombreuses personnes ne demandent pas les aides dont elles pourraient pourtant bénéficier.
Rien qu’au titre du RSA, cinq millions d’euros par an ne sont pas versés selon l’Odenore, l’Observatoire du non recours aux droits. Or ce dernier estime que la dématérialisation tend à produire l’effet inverse.
Désormais, pour accéder à toute une série de droits et aides, il y a de nouvelles conditions. Restent bien sûr l’éligibilité : c’est-à-dire le fait de répondre à des critères, comme les revenus ou l’âge. Et les comportements, comme des démarches à effectuer. Mais à cela s’ajoute désormais la nécessité de maîtriser le numérique.
Par exemple, les Caisses d’assurance vieillesse, d’allocations familiales ou Pôle emploi exigent la possession une adresse mail. Or cela pose une série de problèmes, outre l’inégal accès à l’équipement. D’abord ce sont précisément les personnes les plus en difficultés avec les procédures en ligne qui y sont le plus confrontées. Car plus on a besoin d’aides, plus on a démarches à faire.
Cela entraîne une plus forte dépendance des bénéficiaires aux travailleurs sociaux qui les accompagnent. Travailleurs eux-mêmes peu formés à ce type de problématiques.
Pour Pierre Mazet, chercheur à l’Odenore, c’est l’obligation de passer par le numérique qui change la donne. Dès lors, ce qui est en jeu ce n’est plus seulement les effets d’une technologie.
Mais le fait qu’une politique de simplification d’accès aux droits qui ne tient pas compte des capacités des personnes auxquelles elle s’adresse, produit en elle-même de l’inégalité.
Reste la question fondamentale : que simplifie-t-on ? Si l’accès aux droits peut être techniquement facilité par la dématérialisation, cela ne change rien à l’absence de simplification des droits en eux-mêmes.
Source: Franceculture & Colmar